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Pourquoi la formation d’étoiles est-elle freinée au centre de la Voie lactée ? Le télescope James-Webb livre des pistes éclairantes. 

Au croisement d’observations infrarouges et radio, de nouvelles recherches menées avec le télescope spatial James-Webb, MeerKAT et Alma révèlent une énigme cosmique dans la Zone moléculaire centrale de la Voie lactée. Ces découvertes mettent en lumière l’impact méconnu des champs magnétiques sur la formation d’étoiles, éclairant l’astrophysique contemporaine d’un jour nouveau.

Une synergie d’observations pour percer les mystères galactiques

Depuis l’éveil de la radioastronomie dans les années 1960, l’association des observations à différentes longueurs d’onde a engendré des révélations majeures, comme la découverte des quasars. Aujourd’hui, cette riche tradition scientifique est prolongée via les données issues du télescope spatial James-Webb (JWST), de l’interféromètre millimétrique Alma situé au Chili, et du radiotélescope sud-africain MeerKAT. Ensemble, ces instruments dévoilent des détails inédits au cœur de notre Galaxie, notamment dans la région complexe appelée Zone moléculaire centrale (ZMC).

MeerKAT, installé dans le parc national Meerkat, est opérationnel depuis 2018 et constitue le précurseur du très ambitieux Square Kilometre Array (SKA). Ce dernier sera réparti sur deux continents — en Afrique du Sud et en Australie — et observera aux longueurs d’onde métriques et centimétriques pour fournir une surface collectrice exceptionnelle d’un kilomètre carré.

Dans deux études récemment publiées dans le journal The Astrophysical Journal, les astrophysiciens ont mis en évidence le rôle crucial des champs magnétiques dans une nébuleuse de formation stellaire située à proximité du centre galactique : Sagittarius C. Ces observations combinent non seulement le JWST et MeerKAT, mais aussi des données issues des missions infrarouges Spitzer, Herschel et SOFIA.

Une électrodynamique cosmique au cœur de la Voie lactée

Ciblée par les chercheurs, la nurserie stellaire Sagittarius C se trouve à environ 200 années-lumière du trou noir supermassif Sagittarius A*, localisé en plein centre galactique. Ce secteur dense et poussiéreux devrait logiquement être très actif en formation stellaire, mais les observations montrent un taux bien inférieur aux prévisions. La clef de cette discordance pourrait venir non pas uniquement de la gravité, mais aussi des champs magnétiques.

L’histoire de l’astrophysique a d’abord été façonnée par les lois de la mécanique céleste, mais au XXe siècle, la notion d’électrodynamique cosmique — introduite notamment par Hannes Alfvén — a révolutionné la discipline. En prenant en compte la dynamique des plasmas et l’influence des champs magnétiques, les astrophysiciens peuvent expliquer des phénomènes aussi vastes que la morphologie galactique ou les jets relativistes.

La mécanique des fluides, particulièrement appliquée aux gaz ionisés et magnétiquement actifs, est devenue essentielle. Bien que certaines hypothèses sur l’origine des galaxies spirales aient été écartées (comme celles impliquant des tourbillons primordiaux), la théorie actuelle met en avant les ondes de densité. Ces ondes, analogue de vagues dans un océan d’étoiles gravitationnellement liées, modulent la structure spiralée des galaxies.

Champ magnétique : un barrage à la naissance stellaire

Il est maintenant établi que les champs magnétiques peuvent jouer un rôle inhibiteur dans la formation des étoiles. Lorsqu’un nuage moléculaire entre en effondrement gravitationnel, la montée en température s’accompagne aussi d’une amplification des lignes de champ magnétique. Ces dernières génèrent alors une pression capable de contrecarrer l’effondrement total du nuage, empêchant la formation d’une proto-étoile.

Les données du JWST, combinées aux analyses de MeerKAT et Alma, ont révélé des dizaines de filaments dans Sagittarius C, immergés dans un plasma chaud d’hydrogène entourant une nurserie stellaire. Selon John Bally, chercheur à l’Université du Colorado à Boulder, c’est précisément cette configuration magnétique qui expliquerait pourquoi la densité d’étoiles en formation y est bien inférieure à ce que les quantités de poussières et gaz pourraient laisser espérer.

« Une grande question se pose dans la zone moléculaire centrale de notre Galaxie : si l’on y trouve autant de gaz dense et de poussière cosmique, pourquoi si peu d’étoiles y naissent-elles ? Pour la première fois, nous voyons directement que les champs magnétiques peuvent jouer un rôle essentiel dans cette inhibition ».

— John Bally, astrophysicien

Dans cette même logique, le mouvement du gaz affecté par les forces de marée de Sagittarius A* amplifierait et structurerait les champs magnétiques, influençant ainsi la dynamique et la morphologie du plasma environnant. Samuel Crowe, co-auteur des recherches, souligne que l’effet des champs magnétiques puissants sur l’écologie galactique, qu’il s’agisse de notre Voie lactée ou d’autres galaxies, reste largement à explorer.

Un tournant pour l’astrophysique moderne

Les résultats obtenus par JWST et ses homologues terrestres marquent une avancée significative. L’exploration conjointe entre lumière infrarouge, ondes radio et magnétisme cosmique ouvre des perspectives fascinantes pour la compréhension des processus de formation stellaire. Les futures capacités du Square Kilometre Array, capables de scruter plus profondément et plus précisément les environnements galactiques, promettent de nouvelles découvertes susceptibles de bouleverser nos modèles d’évolution cosmique.

À mesure que l’humanité développe des instruments d’observation de plus en plus puissants, la compréhension du cosmos s’enrichit. Cette quête, nourrie par la collaboration internationale et le progrès technologique, nous pousse à repousser les limites du savoir, dans l’intime comme dans l’infiniment lointain.

© 2024. Crédits : NASA, ESA, CSA, SKA Organisation, Observatoire ALMA, Université du Colorado Boulder

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