Chaque année, sous nos yeux, le monde naturel s’efface peu à peu, à commencer par les insectes, mettant en péril nos ressources alimentaires. Plusieurs facteurs, souvent méconnus du grand public, expliquent cet effondrement massif. Comprendre ces causes est essentiel pour espérer inverser la tendance.
En Europe, près de 80 % des insectes volants ont disparu au cours des trente dernières années. Une réalité encore largement ignorée par les décideurs, malgré les conséquences dramatiques à prévoir pour l’alimentation, la biodiversité, et même la qualité de l’eau. Ce déclin rapide touche l’un des maillons les plus vitaux de la vie sur Terre, et ses origines sont multiples, toutes associées à un même dénominateur : l’activité humaine.
Le collectif de recherche Status of Insects a identifié les cinq principales causes de cette extinction silencieuse, interconnectées par notre mode de vie.
Destruction des habitats naturels : une dégradation continue
La transformation des espaces naturels avance rapidement partout sur la planète. En Europe, notamment en France, les prairies naturelles sont trop souvent réduites à l’état de friches ou assimilées à des “mauvaises herbes”. Ces zones, riches en fleurs sauvages et en herbes hautes, sont pourtant essentielles aux pollinisateurs. Par ailleurs, l’urbanisation galopante grignote les milieux et les parcs et jardins, bien trop souvent trop soigneusement entretenus, ne laissent plus d’espace pour la biodiversité.
L’agriculture intensive, un facteur reconnu de disparition
L’agriculture, selon les pratiques qu’elle adopte, peut être un atout comme un désastre pour les insectes. Une agriculture diversifiée, sans produits chimiques, peut favoriser le retour d’espèces, mais à l’inverse, la culture intensive de monocultures, couplée à l’usage massif de pesticides, appauvrit les milieux. Le rôle des gouvernements est central dans la transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la biodiversité.
Une pollution multiple : chimique, lumineuse, aquatique
Outre les substances chimiques, la pollution lumineuse nuit gravement à de nombreuses espèces. Les papillons de nuit, par exemple, sont attirés par les lumières artificielles, tout comme leurs prédateurs. Cette surexposition entraîne une forte mortalité et un épuisement des populations.
Les araignées, elles, adaptent leur comportement pour chasser plus efficacement à la lumière, accentuant le déséquilibre. Quant aux insectes dont le cycle de vie est lié à l’eau — comme les libellules — ils souffrent de la pollution aquatique qui détruit leur habitat et interrompt leur développement.
Le dérèglement climatique détraque les cycles naturels
L’augmentation globale des températures désynchronise les interactions essentielles entre insectes et plantes. Certaines années, les fleurs s’ouvrent trop tôt, alors que les insectes pollinisateurs ne sont pas encore sortis de leur dormance. Ce décalage provoque une incapacité à polliniser et compromet la reproduction des plantes, compromettant à long terme tout l’équilibre de l’écosystème.
Les espèces invasives, une menace croissante
La prolifération d’espèces invasives met en danger les équilibres écologiques. Cela concerne aussi bien les plantes, qui supplantent les espèces locales et privent les insectes de leurs ressources, que les animaux, qui prédatent certaines espèces endémiques. Les milieux urbains ne sont pas épargnés : les choix esthétiques dans les plantations ont parfois favorisé des végétaux exotiques au détriment des espèces locales indispensables à la faune.
Une nouvelle approche émerge, plus respectueuse des écosystèmes régionaux : privilégier les plantes indigènes devient une stratégie clé pour restaurer les chaînes écologiques naturelles. Malgré cela, le diagnostic reste inquiétant : selon le Status of Insects, entre 1 et 2 % de la population mondiale d’insectes disparaît chaque année.
La préservation des insectes est un enjeu global, vital tant pour l’environnement que pour l’humanité. Changer nos habitudes, adapter les politiques agricoles, réduire la pollution sous toutes ses formes et restaurer les milieux naturels sont autant de leviers à activer de toute urgence pour enrayer ce déclin.