Étienne-Émile Baulieu, pionnier de la contraception médicale et père de la célèbre pilule abortive RU486, s’est éteint le 30 mai 2025. Retour sur cette avancée médicale majeure qui a transformé l’accès à l’interruption volontaire de grossesse. Quelles sont les origines de cette molécule ? Comment agit-elle ? Quelle fut la réaction du public lors de sa mise sur le marché ?

Aux origines de la mifépristone
L’histoire débute en 1979 dans les laboratoires du groupe pharmaceutique français Roussel-Uclaf. Des chercheurs y expérimentent des composés destinés à neutraliser les effets inflammatoires des glucocorticoïdes. C’est au cours de ces recherches qu’apparaît une molécule aux propriétés étonnantes : la RU43886.
Étienne-Émile Baulieu, alors conseiller scientifique du laboratoire, identifie rapidement son potentiel en tant qu’antiprogestatif. Rebaptisée RU486 (selon la numérotation du laboratoire), elle est testée dès 1982 chez onze femmes enceintes en Suisse. Les résultats sont sans appel : la molécule permet d’interrompre efficacement une grossesse en cours.
Un mécanisme d’action ciblé
La mifépristone — nom générique de la RU486 — agit directement sur la progestérone, une hormone essentielle au maintien de la grossesse. En début de gestation, la progestérone prépare l’endomètre de l’utérus à recevoir l’embryon. Elle agit aussi sur le myomètre, le muscle utérin, pour empêcher les contractions prématurées.
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Grâce à une structure chimique très similaire à la progestérone, la mifépristone se fixe sur les mêmes récepteurs, mais en bloquant leur activation. Son pouvoir de liaison étant cinq fois supérieur, elle agit comme un antagoniste, empêchant ainsi la progestérone de jouer son rôle. Résultat : développement embryonnaire interrompu, muqueuse utérine décrochée.
Quelques jours plus tard, l’administration de misoprostol — un analogue des prostaglandines — provoque des contractions utérines, facilitant l’expulsion de l’embryon et des tissus utérins.
Une commercialisation sous tension
Le 19 avril 1982, Étienne-Émile Baulieu dévoile ses résultats à l’Académie des sciences, proposant la RU486 comme alternative moins invasive aux IVG chirurgicales, souvent traumatisantes psychologiquement et associées à des risques pour la fertilité.
L’accord passé en 1983 avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) aboutit à une autorisation de mise sur le marché en France le 23 septembre 1988. Pourtant, après seulement un mois, la commercialisation est suspendue face aux pressions de groupes religieux dénonçant une « banalisation de l’avortement ».
Un mois plus tard, sous l’impulsion du ministre de la Santé Claude Évin, la pilule retrouve sa place dans les pharmacies. Sa déclaration marquera les esprits : « La RU486 est devenue la propriété morale des femmes ».
Aux États-Unis, la Food and Drug Administration interdit son importation en 1989. Il faudra attendre 1994 pour que Roussel-Uclaf en transfère les droits au Population Council, une ONG américaine. La mifépristone ne sera finalement disponible sur le marché américain qu’en l’an 2000.
Une efficacité limitée dans le temps
La mifépristone peut être administrée jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée (soit sept semaines de grossesse). Utilisable seule jusqu’à cinq semaines ou combinée à des prostaglandines jusqu’à neuf, elle constitue une solution non invasive et accessible dès les tout premiers jours de gestation.
Bien qu’efficace comme pilule du lendemain, cette utilisation a été abandonnée en France au profit de l’acétate d’ulipristal, plus adapté aux situations post-rapports sexuels non protégés.
Un combat toujours d’actualité
Le droit à l’interruption volontaire de grossesse demeure un enjeu mondial. À ce jour, plus de 20 pays interdisent encore l’accès à l’avortement, remettant en question le droit fondamental des femmes à disposer librement de leur corps.
La mifépristone a marqué un tournant radical dans la gestion de l’IVG, rendant possible une méthode médicale plus respectueuse du corps féminin. L’héritage d’Étienne-Émile Baulieu demeure inestimable dans l’histoire de la contraception moderne.