Longtemps ignorée par les politiques publiques, la précarité énergétique estivale touche désormais un nombre croissant de Français. Fruit direct du changement climatique, elle transforme les logements non adaptés en véritables fournaises, parfois invivables pendant plusieurs semaines, alerte la Fondation pour le logement des défavorisés.
La précarité énergétique d’été, une urgence climatique et sociale
« La précarité énergétique d’été s’intensifie et nécessite une réaction immédiate et concertée », a souligné Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le logement (ex-Fondation Abbé Pierre), lors d’une conférence de presse alors que la France fait face à une nouvelle vague de chaleur.
Jusqu’à récemment, la problématique énergétique en France était principalement envisagée sous l’angle du froid hivernal. Cependant, avec la montée des températures liées au réchauffement climatique, des millions de logements se changent en véritables bouilloires, devenant inhabitables pour leurs occupants pendant plusieurs semaines chaque année.
Dans sa dernière étude, intitulée « Chaud dedans ! », la Fondation révèle que 42 % des Français ont souffert de la chaleur dans leur logement en 2024 — année pourtant marquée par une météo estivale relativement modérée.
Des inégalités criantes face à la chaleur
La perception de la chaleur varie fortement selon les années. En 2022, où l’été fut très chaud, 59 % des personnes interrogées déclaraient subir des températures excessives à domicile. « Ces données nous permettent de sortir de la banalisation de la canicule comme phénomène naturel et de souligner que de nombreuses morts sont liées à des logements inadaptés », explique Maider Olivier, responsable plaidoyer Climat à la Fondation.
Les jeunes adultes sont particulièrement affectés : 48 % des 18-24 ans affirmaient avoir souffert de surchauffe chez eux en 2024. Les locataires, les foyers modestes, les personnes âgées et les habitants de quartiers populaires constituent les populations les plus vulnérables.
Un impact direct sur la santé publique
La chaleur excessive dans les logements dépasse souvent les limites fixées par l’Organisation mondiale de la Santé — 26 °C la nuit, 28 °C le jour. Ces conditions dégradent la santé cardiovasculaire et respiratoire, provoquent des malaises, perturbent le sommeil et la concentration, précise Christophe Robert.
L’été 2024 a été particulièrement meurtrier : 3 700 décès liés à la chaleur ont été recensés, dont 75 % chez des personnes âgées de 75 ans ou plus. Depuis 2017, plus de 34 000 personnes sont mortes en France à cause des conséquences directes de la chaleur, selon Santé Publique France.
Des rénovations peu adaptées à la surchauffe
Près d’un tiers des logements en France (35 %) sont considérés comme étant des « bouilloires », d’après le syndicat d’industriels Ignes. Plus inquiétant encore : 31 % des logements classés A au diagnostic de performance énergétique (DPE) sont jugés insuffisants en matière d’habitabilité estivale.
Les dispositifs de rénovation thermique ne répondent pas toujours à la problématique de la chaleur : « Une rénovation globale permet parfois de sortir un logement du statut de passoire énergétique, voire d’obtenir un DPE A ou B, tout en restant invivable durant l’été », alerte la Fondation.
Seuls 60 % des logements sont équipés de protections solaires. L’installation de volets et de brasseurs d’air nécessiterait un investissement public évalué à 1,1 milliard d’euros par an entre 2025 et 2040.
Vers une reconnaissance officielle de la précarité énergétique estivale
Une proposition de loi baptisée « Zéro logement bouilloire », portée par des députés issus de sept groupes parlementaires, sera prochainement déposée à l’Assemblée nationale. Le texte prévoit d’intégrer le phénomène de surchauffe dans la définition même de la précarité énergétique.
Parmi les mesures phares envisagées : l’interdiction des coupures d’électricité tout au long de l’année pour garantir l’usage de dispositifs de ventilation, la création d’une nouvelle notation « confort d’été » dans le DPE, et son affichage obligatoire dans les annonces immobilières.
D’ici 2030, la Fondation recommande d’équiper ou de rénover en priorité les pires logements surchauffés pour les rendre décents avant toute mise en location.
Enfin, les députés proposent d’assouplir les avis des architectes des bâtiments de France pour faciliter l’installation de protections solaires, en particulier dans les zones protégées. Le texte pourrait être examiné dès l’automne prochain.
Publié avec le soutien de la Fondation pour le logement des défavorisés, cet article met en lumière un enjeu majeur d’adaptation de l’habitat face aux dérèglements climatiques. Le confort thermique ne peut plus être un luxe, mais devient une nécessité sanitaire et sociale.