Des “polluants éternels” dans notre bière : la menace invisible des PFAS
Utilisés dans une multitude de produits comme les textiles, la vaisselle antiadhésive, les emballages alimentaires ou encore les mousses anti-incendie, les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) sont omniprésents dans notre environnement. Cette pollution insidieuse s’infiltre désormais jusque dans nos boissons les plus emblématiques, notamment la bière.
L’eau contaminée compromet la pureté de la bière
L’eau constitue l’ingrédient principal de la bière. Il semble donc inévitable que toute pollution présente dans les sources d’eau potable finisse par se retrouver également dans nos verres. C’est ce postulat qu’ont voulu vérifier des chercheurs américains conscients de l’ampleur de la contamination de l’eau par les PFAS à travers les États-Unis. Leur objectif : déterminer si ces substances persistantes s’infiltrent jusque dans l’une des boissons les plus populaires au monde – la bière.
Une bière sur vingt échappe encore à la contamination
Pour mener leur enquête, les scientifiques ont analysé un panel de 23 bières, toutes brassées à partir d’eaux municipales réparties dans différents États américains. Les résultats, publiés dans la revue
Environmental Science & Technology, sont sans équivoque : 95 % des échantillons étaient contaminés par au moins une forme de PFAS.
Sans surprise, les brasseries situées dans des zones à forte pollution hydrique affichaient les taux les plus élevés de substances chimiques. C’est notamment le cas aux abords du bassin fluvial de la Cape Fear en Caroline du Nord — une région tristement célèbre pour ses rejets industriels. Les chercheurs y ont relevé non seulement des concentrations particulièrement élevées, mais également une diversité inquiétante de PFAS, dont les très surveillés PFOS et PFOA.
PFAS : une menace globale bien au-delà des États-Unis
La contamination ne se limite pas au territoire américain. En avril dernier, le réseau Pesticide Action Network (PAN) publiait un rapport alarmant soulignant la présence de PFAS dans de nombreuses bouteilles de vin commercialisées à travers l’Europe. L’étude révélait la présence notable d’un sous-produit PFAS très persistant : le TFA (acide trifluoroacétique).
Même les installations brassicoles équipées de systèmes de filtration sophistiqués ne sont pas à l’abri : ces dispositifs ne sont pas conçus pour éliminer les PFAS. Résultat : toute eau municipale contaminée utilisée lors du brassage finit inévitablement dans nos chopes. Selon Jennifer Hoponick Redmon, principale autrice de l’étude américaine, « j’espère que ces conclusions encourageront la mise en place de politiques publiques efficaces pour améliorer le traitement des eaux et limiter la circulation de ces substances persistantes ».
Une problématique de santé publique en pleine émergence
Les effets des PFAS sur la santé sont de plus en plus documentés : troubles hormonaux, baisse de la fertilité, risques accrus de certains cancers… Ces composés résistants, surnommés “polluants éternels”, s’accumulent dans l’organisme et persistent dans la nature pendant des décennies, voire des siècles.
À mesure que des études dévoilent leur présence dans des produits de consommation quotidiennement ingérés, la pression monte pour une réglementation plus stricte. En Europe, l’opinion publique se mobilise, et de plus en plus de citoyens s’opposent aux pratiques industrielles responsables de cette pollution souvent invisible mais pourtant omniprésente.
Alors que le scandale des “polluants éternels” prend de l’ampleur en Europe, le bras de fer s’intensifie entre citoyens et industriels. Des reportages en France et en Italie donnent la parole à ceux qui luttent contre cette menace silencieuse.